Révélations sur le fichage à grande échelle de personnalités gênantes pour l’industrie agrochimique

« Bonus Eventus files » (1/3). Une plate-forme américaine privée baptisée « Bonus Eventus » a accumulé et partagé des informations personnelles sur des scientifiques et des militants critiques des OGM ou des produits phytosanitaires pour mieux les décrédibiliser, dévoilent « Le Monde » et un collectif de médias.

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Son curriculum vitae détaillé, son goût pour la méditation, la longue maladie de sa compagne, le fait qu’ils n’aient pu avoir d’enfant… P. (dont Le Monde a choisi de ne pas divulguer l’identité) ne fait pas l’objet d’une surveillance policière : il est simplement chercheur et étudie les impacts des pesticides sur la santé humaine. Chaque aspérité de sa vie privée et professionnelle suscite un fort intérêt de la part de l’industrie chimique. Tout comme celle de centaines d’autres personnes.

Par le biais d’une plate-forme en ligne privée, des cadres des principaux fabricants de pesticides et des biotechnologies ont accès, depuis plusieurs années, à un vaste fichier de personnalités considérées comme « critiques » de l’agriculture intensive, qui a massivement recours aux intrants chimiques et aux organismes génétiquement modifiés. L’échelle et la précision de ce fichage, opéré sans distinction de nationalité, sont inédites. Informations sur la famille, la vie privée, le patrimoine et les revenus, divulgation d’adresses personnelles, d’antécédents judiciaires éventuels et parfois d’opinions politiques, informations trompeuses et malveillantes : cette base de données accumule les munitions, prêtes à être utilisées pour déstabiliser, décrédibiliser ou nuire.

Obtenus par le média d’investigation Lighthouse Reports et partagés avec Le Monde et plusieurs médias internationaux, les documents internes de cette plate-forme, baptisée « Bonus Eventus », indiquent que plus de 500 scientifiques, militants écologistes, journalistes ou encore experts des Nations unies figurent dans ce registre. Celui-ci apparaît beaucoup plus détaillé et sulfureux que le « fichier Monsanto », révélé en mai 2019 par France 2 et Le Monde.